Nous le vivons tous maintenant. Nous avons de plus en plus de mal à rester concentré(e). Passionné - tendance obsessionnelle des bonnes réunions - je vous propose ici un remède ô combien puissant : l’hyper présence.
« Expert tout terrain de la réunion. »
Après plus de 30 ans d’expérience internationale, essentiellement chez Danone dans des fonctions techniques (R&D, Qualité, Nutrition) puis des fonctions d’influence (Gestion de Crise, Réglementation, Affaires Publiques), Louis VAREILLE a créé en 2017 l’École Internationale de Réuniologie.
Il aime partager et transmettre sa passion pour les réunions, lieu du collectif par excellence.
Il met en mouvement les équipes en combinant son expérience d’animation de réunions dans des contextes très divers (management d’équipe, coordination de communautés d’experts, présidence d’association professionnelle internationale), sa double formation de coach (Londres et HEC Paris) et sa passion pour l’humain et le travailler ensemble
(Livres : Vivre sa vie en Mode Skype et 15 autres idées pour trouver le bonheur au travail et au-delà … en 2017. La réunionite, ça suffit ! Les 10 questions qui changent les réunions en 2022).
Missions en cours : BPCE Assurances, CACIB, AFD, PANZANI, AOSTE, DOCAPOSTE, NEXANS, EPISAVEURS, MANE…
L’une de ses phrases favorites : « Une réunion, telle que je la conçois, est une architecture éphémère destinée à exalter la puissance de l’intelligence collective.»
Librement inspirée d’une phrase de Christian DIOR - Une robe, telle que je la conçois, est une architecture éphémère destinée à exalter les proportions du corps féminin.
Avant propos
Regarder la dernière notification Slack ou LinkedIn sur son téléphone, aller vérifier sur Google chaque fois qu’un nom propre est cité, faire semblant de retranscrire la réunion alors qu’on surveille les derniers emails arrivés : jamais nous n’avons eu autant de prétextes pour décrocher en meeting.
Dans mes interventions de réuniologue, j’ai eu maintes fois l’occasion d’observer combien les participants semblent de plus en plus ailleurs. Perspective terrifiante d’un monde à la fois trop (et si peu) connecté.
Il m’est même arrivé de sortir d’une réunion avec l’envie profonde de tout casser, de pleurer même, parce qu’une dirigeante ne prenait même pas la peine de lever les yeux de son smartphone pour écouter ses collaborateurs qui déroulaient leur présentation.
Comprenez : elle était bien trop occupée à scroller sur Facebook.
L’hyper présence comme remède au mal du siècle
À ce fléau très contemporain qui empoisonne les réunions tout en les vidant de leur sens, je propose une alternative : l’hyper présence.
Un néologisme de ma composition qui m’a été inspiré après une formation consacrée à la Gestalt. Pour vous la faire courte, il s’agit d’une thérapie également utilisée en coaching qui nous invite à nous constituer une image globale d’une situation en mêlant à la fois notre perception de l’environnement, de nos interlocuteurs, des stimulis extérieurs mais aussi tous nos ressentis.
En découle cette notion d’hyper présence que je définirais comme un état de grande concentration dans lequel nos sens sont focalisés sur ce qui se dit et se voit autour de soi, tout autant que sur nos sensations corporelles et nos pensées.
On pourrait rapprocher l’hyper présence du concept de pleine conscience, à une nuance près :
J’insiste sur l’importance de maintenir l’attention sur les éléments extérieurs et pas uniquement intérieurs. Être hyper présent, ce n’est pas non plus empêcher son esprit de divaguer, car ce sont ces divagations qui nous permettent d’être créatifs.
En d’autres termes, l’hyper présence est une sorte de vision ultra panoramique de soi, et des autres. Et je vais vous dire pourquoi j’y vois un remède vigoureux face aux maux qui nous agitent.
“Entre le stimulus et la réponse il y a un espace ...
Dans cet espace est notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse résident notre croissance et notre liberté”. Viktor Frankl - auteur de Découvrir un sens à sa vie (1946)
Des émotions qui en disent long
En cultivant l’hyper présence, nous récoltons une somme astronomique d’informations. Grâce au tempo de la voix, aux intonations ou encore au choix des mots, nous pouvons mieux saisir l'état émotionnel de celui ou celle qui parle. Et en nous mettant en contact avec nos propres ressentis, nous saisissons ce que cela provoque en nous, sachant qu’une émotion, c’est d’abord une décharge dans le corps. Une gorge qui se serre, une douleur dans la poitrine, un ventre noué… Chaque manifestation physique est en réalité une nuance sur la palette des émotions. Et c’est précisément là que je désire vous emmener.
La prochaine fois que vous ressentirez cette décharge dans votre corps, demandez-vous ce qui vous traverse. Pensez-vous que ce projet va tous vous mener à la catastrophe ? Et si vous n’étiez pas le seul à avoir peur ? Peut-être devriez-vous oser prendre la parole ? Bien sûr, vous pouvez aussi être submergé par une émotion positive. Peut-être que dans un élan vous vous lèverez pour féliciter la personne qui a livré cette superbe prestation.
"Je n'ai clairement jamais souhaité opposer émotion et raison; je vois plutôt dans l'émotion quelque chose qui, au moins, assiste la raison et, au mieux, entretient un dialogue avec elle. Je n'ai jamais non plus opposé émotion et cognition, puisque je considère l'émotion comme livrant des informations cognitives, directement ou par le biais des sentiments" - L'erreur de Descartes : La raison des émotions (1994), Antonio R. Damasio.
Miroir, mes beaux neurones miroirs
Vous l’aurez compris, cultiver son hyper présence, ce n’est pas jouer cavalier seul mais au contraire pratiquer l’écoute active, mettre ses neurones miroirs en mode “on” et ressentir l’énergie d’un collectif. Par un processus presque magique, notre cerveau via nos yeux perçoit un autre visage exprimer de la joie, de la colère ou bien de la peur (ou toute autre émotion). À ce moment-là, les neurones miroirs activent les mêmes muscles sur notre visage. Soit dit en passant, l’activation chez autrui de ces fameux neurones miroirs est d’autant plus puissante du côté des leaders puisqu’ils vont être davantage scrutés… et donc influer sur l’état émotionnel des autres par effet de mimétisme.
Les neurones miroirs, c’est donc la partition inconsciente qui se joue dans l’ombre. Mais on peut aussi se connecter de manière plus consciente aux autres.
Personnellement, j’aime beaucoup me poser la question suivante lorsque je suis en réunion : “Qu’est-ce qui amène cette personne à énoncer ce qu’elle dit ?” C’est une belle manière de se mettre en empathie avec l’autre. Cela permet également de comprendre son point de vue et de rester concentré si d’aventure les propos nous semblent déplacés.
“La qualité de votre attention détermine la qualité des idées de celle ou celui qui vous écoute” - Nancy Kline - autrice de « Time to think » (1999)
Alors, comment se mettre en situation d’hyper présence ?
Déjà, en mettant toutes les chances de son côté en pratiquant la réunion dans un cocon sécurisé où personne ne va nous déranger. Même si l’on perçoit des bruits au loin, on privilégie le silence et on coupe les sources de dispersion comme les notifications et outils numériques (personnellement, je suis un adepte des prises de notes manuscrites).
Et surtout, on décide d’être là, pleinement là. On peut commencer en pratiquant un exercice d’ancrage : où suis-je ? Avec qui suis-je ? Pourquoi sommes-nous là ? Pourquoi suis-je là ? Soyez le premier ou la première pour vous mettre en conditions et vous connecter à votre environnement et aux autres participants.
L’objectif ici étant de rester maître de la compétition attentionnelle qui nous entoure. Gardez en tête que notre cerveau n’est pas capable de faire du multi tasking… juste du task switching ! De cette façon, on offre au « cerveau concentré » les meilleures conditions pour prendre le pas sur le « cerveau vigilant ». Ce cerveau d’origine reptilienne est en état d’alerte permanent, prêt à réagir à tout stimulus extérieur, ce qui le rend dispersé et réceptif à plusieurs signaux. En revanche, le cerveau concentré est focalisé sur une tâche spécifique, réduisant l’attention aux distractions pour optimiser l'efficacité cognitive. En nous isolant, nous permettons à nos capacités réflexives et créatives de donner leur meilleur.
Une hyper présence qui se cultive au quotidien
Développez votre capacité à être en état d’hyper présence en tirant le meilleur de votre quotidien : dans le métro, dans le brouhaha d’un marché ou bien dans la salle d’attente du médecin.
Observez la valse qui se joue autour pour pouvoir être ensuite plus présent à vous, et aux autres.
Et tout ça, ça vaut aussi à distance !
Notons aussi qu’être hyper présent, cela vaut également pour une réunion à distance, en commençant par ne plus éteindre sa caméra pour mieux étendre son linge. Sauf à privilégier le format sonore et utiliser le téléphone pour se connecter pleinement à la voix de son interlocuteur et accéder à de précieuses informations, au-delà de celles offertes par un écran. J’invite aussi le meneur de réunion à donner des repères aux participants, même à distance : objet et durée de la réunion notamment.
Pratiquer l’exercice de la météo émotionnelle en début et fin de séance peut aider les participants à s’exprimer sur ce qu’ils vont/ viennent de vivre, et ainsi développer leur présence.
Dans tous les cas, lorsque vous planifiez une réunion, qu’elle soit en présentiel ou en distanciel, prenez le temps de bien choisir le lieu où elle se tiendra...